mardi 4 août 2015

[ FICTION ] RÉTRO-FUTUR DU SENTIMENT | NUIT DE LETTRES SANS ATTELLES

De A à S, 
en passant par J.


© Sara Imloul.


Les pages blanches. Et les milliers de mots qui taquinent sans fleurir. Qui font qu'tu penches. Une fois sur dix. Les mots qui viennent qu'à moitié. Qui étouffent sans gémir. Sèchent sans rien dire. Qui grimpent. Arpentent en silence. Le long des colonnes, de toute la hauteur des gorges sèches. Des sexes tendus. Puis des langues dépliées. Sans crier gare. Sans crier court. Les coeurs déliés. Le goût du vinaigre. Qui apparaît dans la lumière. Au fond du four. Sans une prière. Et les corps qui se délitent. Chut. Fallait rien dire. Mieux vaut la chute. Et les murs qui courent. Les murmures carapaces. La main rapace. Qui t'rattrape. Comme si de rien. Mais c'est rien, en fait, ma p'tite. C'est rien de rien. 
J't'aime. J't'aime profondément. Toi que j'frappe. Toujours, un peu, trop loin. Toujours, sûrement, du poing. Mais. C'est que j'sais pas faire moins. J'sais mettre que des points. À la fin d'tes mots à toi. À la fin d'mes sursauts à moi. Mais je t'aime sans l'dire. T'as vu, j'le dis même en entier. J'pourrais dessus r'passer sans qu'tu l'saches. Mais j'vais laisser là. La p'tite trace, la p'tite preuve, la p'tite enflure. Parce que c'est pure puis pas peu sûr. J't'entends déjà. Tu peux toujours en rire. Mais j'préfère pouvoir l'écrire. Plutôt que d'm'en bouffer la langue. Et d'm'en crever les yeux. Plutôt que d'avoir à chanter la rengaine. De la meuf qui parle trop. Mais ne dit jamais rien. Jamais rien d'bien. Jamais rien d'bien mûri. Mais qui flanche sans arrêt pour un rien. Un rien presque toujours trop sien.
J'pourrais te l'dire de loin. De plus loin qu'ici. De plus loin qu'le plus loin de tous les lointains. J'pourrais te l'crier à la gueule. Te l'hurler. À l'intérieur, c'est bien seul. J'pourrais t'attraper la barbe et t'insulter. Puis m'blottir dans tes bras. Et me poser. Et reposer. Parce que le chaud. Le tout doux. Et l'éternité dans un verre de 8.6. Les sourires qui m'triturent l'estomac. De penser à  vous. À toi. Puis à toi. À toi aussi. Comme dans l'refrain de l'autre connard. Comme dans les beaux mégas nanars. J'pourrais faire l'canard aussi. Juste pour vous r'mettre deux s'condes. Puis plus jamais vous oublier. Plus jamais vous échapper. La vision d'l'étrange. Comme dans un livre presque volée. Gardée à tout jamais. Conservée dans une p'tite larme qui rame. Contre les courants maudits. Contre la poitrine. Croix de coeur. Poing de fer. Fer conquis. Je ris. Non, en vrai j'souris. 
Puis avec des "si". J'pourrais te l'dire tous les jours que j't'aime. Avec des "si". J'pourrais tenter un "j'te jure". Que j'reste là. Que vraiment j'pars pas. Juste une fois, et cette fois sans injure(s). L'ami volage, sans dur futur. Voter pour, oui oui, tout court. Voter court, oui oui, tous pour.  Pour les amours un peu sourds. Qui arrachent la nuit. Tant qu't'as encore l'oeil qui luit. Quand tu m'sens pas loin, le visage contrit, le corps tendu, de n'pas pouvoir m'atteindre. Avec des "si". Par milliers. J'pourrais m'retrouver. Sans toujours avoir à feindre. Retrouver l'ivresse, dans ta folie que j'caresse. Puis dans le leste que j'détache. L'attache que j'te fixe. Au bout du nez. Juste pour rire. Parce que c'est toi. Et pas un autre. Juste pour toi. Pas pour une autre.
Mais j'ai qu'ma ptite larme qui m'rame dans les veines. Mes p'tites mains comme seule attèles. J'peux rester là. Écrire un "j'te jure". Frémir des "je t'aime". M'cacher les yeux. Bander l'poitrail et t'attraper la barbe. Pas sans injure, cette fois. Mais rester là. Pourvu qu'tu fonces. Dans l'tas. Pour moi. Et pas pour rien. Parce que j'suis là. Pour toi. Pas pour quelqu'un.


0 commentaires :

Enregistrer un commentaire