[ LES AMOURS PARTAGÉS ]

FUITE TACITE. CHUTE TRAGIQUE.

[ MUSIQUE ] PLAYLIST DE L'HIVER

BOUCLE BOUCLÉE POUR CHAUSSURES MAL LACÉES | REAL LIES / HELENA HAUFF / PAULA TEMPLE / WHOMADEWHO / D.A.F. / KINDNESS

[ TEXTE ] LES AMOURS PARTAGÉS

L'INSOLUBILITÉ À L'EAU

[ MUSIQUE ] LA PLAYLIST DE L'ÉTÉ PASSÉ

IN AETERNAM VALE / GRAND BLANC / GAY CAT PARK / JESSICA93 / MARIE MADELEINE | [colonne musicale pour vertèbres déplacées]

[ RENCONTRE ] Fou amoureux de.. CLÉMENT.

"Vous croyez qu'on réalise ses rêves ?"

samedi 2 mai 2015

[ TEXTE ] RÉTRO-FUTUR DU SENTIMENT | LES NUITS NOIRES ET LES INSECTES QUI CRAQUENT SOUS LA DENT

© Ren Hang.
Le bruit des autres ne me ramène à rien d'autre qu'à l'absence. Le vide qui remplit l'appartement. Les silences secs qui en plombent son sein. Il pleuvote sur la verrière et j'aimerais pouvoir glisser sur un carreau, moi aussi. Me laisser aller à la douceur d'une tendre descente. Et me laisser m'échouer, sans douleur, sans mauvaise montée, sur la tôle abîmée.  

"Il n'y a qu'une direction à la fuite tangible."

J'avale ma canette de Ginger beer, en me demandant qui me lira. Mon appartement est froid. Mal rangé. Je me demande sans arrêt ce que je fous là. Je pense à Londres, et aux rues album photo. Les paysages souvenirs. Les clichés d'amour. Le premier amour, celui qui pourrait tuer, qui revient, cinq ans après, presque en dansant. Parce que les odeurs retrouvées et le sentir d'une main, un peu trop proche. Alors évidemment, l'estomac qui se tord. Le coeur qui ne répond pas. Et s'attarde au mauvais endroit. Peut-être que si je n'aime pas, que si je n'aime plus, c'est que je ne le veux pas, puis que je n'le peux plus. Bon Dieu ces séries de réflexions idiotes. 

"J'en peux plus de moi."

J'ai entendu ça cette semaine. Je n'sais plus bien de qui. Mais je n'sais surtout plus pourquoi. D'où. Ni comment. Mais je l'ai entendu. Et je n'sais plus si j'en ai ri, ou si j'n'ai simplement rien dit. Le gingembre me pique le palais. Je n'sais pas bien si j'aime ça. Mais je bois tout de même. La douleur, le désir, du pareil du même.

La voisine hurle maintenant. Et les ouvriers, de l'autre côté du couloir, parlent fort, comme à leur habitude, sans jamais se soucier de qui les entend. Polonais. Roumains. Bulgares. Je n'sais pas bien. Mais je les déteste. Sans même les connaître ne serait-ce qu'un peu.

"Ces bêtises de saut dans le vide, un jour ça te jouera des tours."

Évidemment. Car il n'y a qu'en arrêtant de réfléchir que le bonheur peut nous gagner l'esprit. Ne serait-ce que quelques secondes. Drogues, alcools, sexes et délices de bouche en tous genres. Tous là pour la même raison. Pour nous faire oublier. Nous faire nous oublier. Soi-même et mutuellement. Et dans le miroir ne plus discerner. Ni ce qui habite. Ni ce qui quitte. Plonger sa tête dans un seau à glaçons. Mâcher du papier jusqu'à l'inertie buccale. Se gratter la peau et atteindre l'os. Frapper du poing le mur et peindre de son sang. Sur le sol, l'empreinte effacée, de nos rêves décharnés. Sur la porte, les dernières traces de l'espoir égratigné, mis en boule, lancé là comme par hasard, incapable de rebondir une fois de plus, trop tard, trop tôt, à ces histoires gâchées, pas toujours de fin mot.

"J'ai rêvé que je rêvais, je crois.., je crois bien que je disparais."

Je l'ai revue sur la bouche d'une autre. Dans l'accent, la façon de s'exprimer, les expressions et les petits plis qui lui apparaissaient au coin de l'oeil. J'ai revu l'amour, le premier, le plus fort, celui qui reste toujours, là, bien plié dans le fond d'un placard, puis que l'on retrouve, de temps à autre, quand la mélancolie nous prend, qu'il pleut, et que les verrières glissent sous la pluie. Qu'il fait un peu froid et que l'on se sent vide, pas forcément très intacte, un peu abîmée par les années passées, le souffle court, la poitrine qui cogne un peu contre les ciels gris et le silence ravageur. Je l'ai revue. Intacte. Belle comme le jour. Coquette et muette, évidemment. Le sourire grand, l'oeil pétillant, mon amour d'avant. Avant. Avant la nuit, et les insectes qui craquent sous la dent. Maligne, agile, le cheveux soyeux, brun comme l'ébène, la peau lisse comme la soie, se jouant de la vie, devant moi et mon coeur amoureux, encore une fois. Encore et encore, toujours, la dernière fois. 

Je l'ai revue, parce que je l'ai voulue, parce que je l'ai attendue, au détour d'une rue de brique rouge, je l'ai attendue, à la laverie, au restaurant chinois, devant la vitre et les dizaines de canards, accrochés là, comme par erreur. Je l'ai voulue, au sortir du métro, puis sous l'arbre, près des poules d'eau. Dans le sillage de la route, monter dans le bus, me croiser chez Tesco, je l'ai voulue, attendue comme un café fort du matin. Nécessaire, vitale, jouissive. Je l'ai revue, alors, dans mes yeux plein de buée, assourdis par les larmes, qui ne sortaient qu'handicapées. Malingres, pas forcément très sûres d'elles, misérables, fragiles, hésitantes, éternelles.. comme un amour qu'on oublie pas.

"Il n'y a rien de pire que de passer le temps."

J'éternue comme une enfant. Le gingembre me chatouille le nez. J'aimerais poser un patch sur ma poitrine. Pour les mauvais endroits, où je pose mes fesses. Les mauvais arrêts de bus, où je passe le temps. À attendre l'indésirable, à désirer l'impossible. Il n'y a rien de pire que de passer le temps. Simplement, sans attendre des jours qui arrivent l'explosion, l'excitation, le désir frénétique, les bulles légères qui éclatent sur la langue. Il n'y a rien de pire que de se contenter de ce que l'on a. Rien de pire que d'apprendre à apprécier les moments silencieux, les instants incertains, où rien ne bascule jamais. Rien de pire que de ne plus espérer, au coin d'une rue de brique rouge, croiser l'amour d'avant. Avant. Avant les nuits noires et les insectes qui craquent sous la dent. Avant. Avant la chute en avant, les idioties, les bêtes noires qui nous grimpent le long du coeur. La peau rongée, le sang vidé, toujours plus loin, toujours plus fort, ton front rouge de colère et la tête qui frénétiquement cogne dans tous les murs.

Il pleut encore un peu. Et j'ai l'étrange et désagréable impression, que cela fait des heures que l'on nous crache dessus.