mardi 10 février 2015

[ TEXTE ] LES AMOURS PARTAGÉS | L'NSOLUBILITÉ À L'EAU

J'aimerais bien m'poser là. Près de l'eau. Pour boire un sirop. Ou une menthe à l'eau. Regarder les bateaux passer. Et n'pas avoir envie qu'tu sois là. Regarder les mouettes chanter. Et n'pas avoir envie d't'entendre. J'aimerais jouer dans l'herbe aussi. Et n'pas avoir envie qu'tu m'regardes me dégourdir. J'aimerais pouvoir te sourire, aussi. Sans aucune peur de t'voir partir. Enfin, parti, tu l'es. Et j'sais plus bien si j'vois encore ton visage. J'sais plus bien à quoi tu r'ssembles quand tu vas bien. J'sais plus bien à quoi tu sens. Ce que j'ressens quand t'es là. Quand t'es là, puis qu'tu bouges pas.

J'aimerais bien me poser là. Et n'plus voir ton reflet un peu flou. Dans les flaques d'eau que j'fracasse quand j'marche. J'aimerais bien qu'tu sois là. Encore. Quelque part. À m'crier d'ssus parce que t'as peur. À m'apprendre la vie dans un brin d'herbe. J'aimerais bien qu'tu m'dises. Que t'es fier. Que j'suis la plus jolie. L'espoir de toute une vie. Une fleur, une perle, un rayon d'soleil dans la nuit. J'aim'rais bien qu'tu m'prennes dans tes bras. Aussi. Enfin qu'tu m'prennes dans tes bras surtout. Puis qu'tu m'serres très fort. Puis qu'tu ronchonnes. Qu't'essaies d'avoir raison. Encore et encore. J'aim'rais bien m'dire. Le sourire en coin. Qu't'es qu'un vieux con. Mais que j't'aime, non sans raison.

J'aim'rais bien me poser là. Sans avoir envie d'te voir. Encore une fois. Encore et encore. Une dernière fois. Déjà j'me demande si tu m'entends. Si tu m'écoutes, aussi. Quand j'monte tout en haut. Puis que j'regarde le château. Là-bas. Que j'me tais un peu. Puis que j'commence à t'parler. À chipoter des  "j't'aime", "si tu savais...". À renifler, aussi. Un peu fort. Un peu pour rien. Parce que j'sais plus. Parce que juste, que j'sais plus bien. Ton reflet dans la vitre. Les rétros. Et tous les mots.

J'me souviens juste du froid. Et des conneries d'ados. De mes silences. De mes envies de rien. Puis des regrets. De mes envies d'briser la glace. Alors qu'il est trop tard. Mes envies d'fracasser les flaques, parce qu'il est tard. Puis que déjà, tu pars. N'pas regretter, de n'pas avoir dit. De rien avoir dit. Déjà, j'me d'mande si tu m'entends. Si tu m'écoutes même quand j'parle un peu trop. Puis si tu m'aimes encore. Encore et encore. Au moins encore un peu. Même s'il est tard. Même s'il est tard. J'voudrais savoir si tu m'écoutes. Au moins encore un peu. Même si j'dis des conneries. Même si j'dors plus trop quand vient la nuit. Même si dans l'eau du bain. Ton reflet, un peu flou. Mon regard, un peu trop mou.

J'aim'rais bien me poser là. Laisser le vent m'effacer. Juste quelques minutes. Dans le vert et la lumière d'or. Parce que je suis minuscule. Parce que c'est l'été indien. Encore un peu. Et que rien n'peut mourir, comme ça. Pour trois fois rien. J'aim'rais bien poser mes fesses dans l'herbe. Regarder le château de l'autre côté de la colline. Rêver et suer de piscine. Parce que le soleil sur mes veines. Les escapades toujours trop vite. Et ma peau marron comme un transit. Repenser au feu d'artifice. Puis t'entendre flinguer les chardons. Là-bas, derrière, dans le champ. Me voir sans avoir à m'regarder. Et siffler des vieilles chansons. Qui m'font tourner en rond. J'aim'rais m'poser là. Sans m'demander si tu m'aimes encore. Sans avoir envie qu'tu r'viennes. Puis sans m'crever l'coeur de plus t'entendre. J'aimerais pouvoir encore me taire. Et engloutie par la nuit. Écouter ta canne frapper les murs. Et les fantômes de pacotille. Un coup pour les "j't'aime". Deux pour les "j'écoute". Trois pour les "ma fille".

Y'a rien qui s'dissout, dans l'eau. Ni nos peurs de mourir comme des cons. Ni nos regrets à figure de raison. Surtout pas dans les flaques, qu'on fracasse du talon.


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